Alpes sans sida Infolettre janvier 2021
Editorial, Sylvie Vanderschilt, Vice-Présidente et coordinatrice à Sida Info Service
Avez-vous conscience qu’à chaque instant, nous faisons un choix ?
Tous nos actes sont déterminés par la décision d’une option plutôt qu’une autre. Il est des décisions pour lesquelles nous pouvons mesurer les effets, si tant est que nous puissions les maîtriser, les contrôler.
Mais lorsque le conseil d’état rend un avis négatif sur la formulation juridique du décret d’autorisation pour les médecins généralistes de « primoprescrire » la prophylaxie pré-exposition (PrEP), la prévention du VIH est freinée, entrainant potentiellement une augmentation des contaminations…
Une formulation juridique aurait plus de poids qu’un enjeu de santé publique ?
Mais alors en fin de compte, qu’est ce qui guident les choix ?
Editions précédentes
Infolettre épidémio #1 janvier 2021
Edito
Bienvenue à cette première édition de l’infolettre épidémio de l’arc alpin !
Cette lettre est éditée par la cellule d’expertise épidémiologique du COREVIH arc alpin pour ses membres.
Notre objectif ? Vous permettre d’avoir accès plus facilement et plus régulièrement aux données épidémiologiques. Cette infolettre sera publiée 3 à 4 fois par an et nous espérons qu’elle sera aussi un outil utile pour étayer la stratégie « vers des Alpes sans sida ». Si vous souhaitez que nous travaillions sur des sujets particuliers, si vous avez des questions pour la cellule d’expertise épidémiologique ou si vous souhaitez venir travailler avec nous, n’hésitez pas à m’envoyer un mail à epiet@ch-annecygenevois.fr !
Bonne lecture !
Dr Emilie Piet, pilote de la cellule d’expertise épidémiologique du COREVIH arc alpin
Au sommaire
Analyser plus finement l’indétectabilité : cascades par groupes et cascade des « nouveaux
La cellule d’expertise épidémiologique du COREVIH arc alpin a souhaité analyser plus finement les cascades de prise en charge du VIH et notamment l’indétectabilité pour pouvoir améliorer la prise en charge localement ou régionalement.
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Le taux d’indétectabilité des personnes nouvellement prises en charge est-il meilleur ou moins bon que la file active globale ?
Il est globalement meilleur : le taux oscille entre 94% et 100% des personnes mises sous traitement par département (files actives 2017, 2018, 2019 cumulées) ; alors qu’en 2018, le taux d’indétectabilité de la file active globale était de 92%.
Le constat est le même par genre (meilleur taux chez les femmes et hommes) et par groupe cible (HSH, migrants…).
La cellule d’expertise épidémio s’interroge donc sur l’indétectabilité des personnes prises en charge depuis plus de 4 ans : quelles sont les caractéristiques des personnes prises en charge depuis plus de 4 ans et qui sont détectables ? Est-ce qu’il s’agit de certains groupes ? Est-ce que cela dépend de l’ancienneté de vie avec le VIH ? D’autres facteurs ?
2. Les cascades par groupe cible
L’analyse des cascades par groupe cible sur les données épidémio de 2017 et 2018 nous montre des disparités notables entre HSH et migrant.e.s :
- 99% des HSH pris en charge sont sous traitement, contre 97% des migrant.e.s
- 93% des HSH sous traitement sont indétectables, contre 90% des migrant.e.s
- Pour les migrant.e.s, une différence notable existe entre hommes et femmes : 93% des femmes migrant.e.s sous traitement sont indétectables, contre 87% des hommes migrants : Comment expliquer cette différence et comment améliorer la prise en charge des hommes migrants ?
A venir : La cellule d’expertise épidémiologique a pour projet d’analyser plus finement les raisons pour lesquelles certain.e.s migrant.e.s ne sont pas sous traitement. Une étude aura lieu dans tous les centres hospitaliers au premier semestre 2021 pour analyser et comprendre les raisons pouvant expliquer la détectabilité des migrant.e.s.
0 co-infection VIH-VHC sur l’arc alpin ? Presque !
La celllule épidémio surveille depuis 3 ans le taux de guérison des PVVIH co-infectées VHC. Sur la file active 2019 (347 co-infecté.e.s), 95% sont guéri.e.s de leur infection VHC. Ce taux varie de 92% à 100% selon les centres.
La guérison progresse d’année en année : 74% en 2017, 91% en 2018.
Parmi les 18 personnes non guéries en 2019, 10 étaient en cours ou en attente de traitement.
Profil des PVVIH co-infectées VHC
- Les co-infecté.e.s représentent 12% de la file active VIH de l’Arc Alpin.
- La majorité des co-infecté.e.s sont des hommes (73%) et 78% sont né.e.s en France.
- Le mode de contamination du VHC est d’abord l’usage de drogues par voie intra veineuse (57%), puis par voie sexuelle (31%).
- La cellule épidémio va poursuivre l’analyse des co-infecté.e.s VIH-VHC tous les 2 ans.
Le TPE aux urgences en 2019 : pour qui ? pour quoi ? suites de prise en charge ?
Le COREVIH arc alpin a mis en place un suivi des traitements post exposition (TPE ou traitement d’urgence contre le VIH) afin d’évaluer périodiquement le dispositif et d’assurer alors la diffusion de bonnes pratiques[1].
Le premier recueil de données concerne l’année 2019. 145 TPE ont ainsi été recensés sur les trois départements sans toutefois représenter un recueil exhaustif, certains centres ayant eu une contribution partielle ou n’ayant pas contribué en 2019.
Les deux tiers des TPE concernent des hommes. Une spécificité s’observe en Haute Savoie où 27% des TPE concernent des personnes ne résidant pas dans le département (un peu moins en Savoie, 18%). Cela pouvant être le fait du contexte transfrontalier et plus globalement du Grand Genève où les hôpitaux de Haute Savoie répondent aux besoins de la population du Pays de Gex, territoire du département limitrophe de l’Ain.
Près d’un TPE sur dix n’a pas été poursuivi après réévaluation lors de la consultation spécialisée (service infectiologie ou Cegidd). La quasi-totalité de ces interruptions concerne des femmes hétérosexuelles. Cela plaide pour une meilleure diffusion au sein des SAU (services d’accueil des urgences) du protocole réalisé par le COREVIH afin de faciliter l’évaluation de la nécessité de prescrire le TPE.
Du point de vu de l’observance au traitement, l’enjeu du suivi pendant le traitement et l’écoute du / de la consultant.e sont primordiales (évaluation des effets indésirables éventuels, etc.) car près de 15% des personnes l’ont arrêté avant la fin des quatre semaines prescrites.
Le besoin d’un TPE peut être une indication d’utilisation de la PrEP. La prescription du TPE apparait donc comme une opportunité pour informer et proposer cette modalité de prévention du VIH. Cela se vérifie car dans 27% des cas la PrEP a été proposée, majoritairement à des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ou bisexuels. Et ce d’autant plus qu’une personne sur dix avait déjà eu recours au TPE. Les deux approches en prévention demeurent complémentaires car ce sont aussi une personne sur vingt qui avait déjà utilisé par le passé la PrEP.
Enfin, notons que le fait de consulter pour un TPE peut induire des orientations ou accompagnements spécifiques. Par exemple, une personne sur dix a demandé un TPE suite à un rapport sexuel non consenti.
[1] Circulaire interministérielle de 2019 relative aux recommandations de prise en charge des accidents d’exposition au sang et aux liquides biologiques (AES) survenant dans un environnement professionnel et des accidents d’exposition sexuelle.
Alpes sans sida Infolettre Décembre 2020
Editorial, Professeur Olivier Epaulard, Président et infectiologue au CHU Grenoble Alpes : « 2020 et la Covid, une année à oublier ? Non ! »
Cher.e.s tou.te.s,
L’année 2020 s’achève, une année dont certain.e.s disent parfois qu’on ferait mieux de l’oublier, tant elle a été rendue compliquée à vivre par la Covid-19, par le poids que la pandémie a fait peser sur tant de secteurs associatifs ou de santé, l’ambiance sombre qu’elle a fait régner sur le moral de chacun.e, les vie qu’elle a prises …
Et pourtant.
Et pourtant, par exemple, cette année est celle où l’on a pu mesurer pour la 1ère fois l’impact de nos action sur l’épidémiologie du VIH dans nos territoires, avec une diminution de 32% des nouveaux diagnostics entre 2018 et 2019.
Cette année 2020 est aussi celle où l’on a pu se rapprocher du mouvement Fast-Track Cities – une reconnaissance de nos engagement et de notre énergie, et qui nous permettra d’enrichir et de faire faire mûrir encore notre projet « 2030 ».
Cette année 2020 a vu aussi le Corevih – contraint et forcé ! – prendre plus d’envergure sur ce nouvel « aller vers », les réseaux sociaux, à la fois pendant le 1er confinement, avec la large campagne d’envoi d’autotests et de documents d’information, et pendant le 2ème confinement, avec la campagne régionale de tests qui a pu se monter avec les 3 Corevih autour du 1er décembre.
D’autre part, cette année a vu la « cellule épidémio » prendre encore plus d’importance, et nous permettre de mieux comprendre les dynamiques de l’infection et de sa prise en charge dans l’Arc Alpin. Enfin, cette année a vu le Corevih faire plusieurs embauches – il y a beaucoup de travail, mais nous sommes plus nombreux/ses !
Et pour les autres projets (améliorer l’accès des migrants au diagnostic, au traitement et à la prévention, se rapprocher et travailler avec les médecins généralistes dont les valeurs et les buts convergent avec les nôtres, développer le TPE hors les murs, …) que nous n’avons pu qu’ébaucher cette année, ce n’est que partie remise !
Nous devions renouveler les membres du Corevih et du bureau en 2020, puis 2021, ce sera finalement encore sans doute décalé d’un an … d’ici là, je suis sûr que l’implication de tou.te.s aura permis de poser de nouveaux jalons vers ce qui restent plus que jamais nos buts : mettre fin à l’épidémie de VIH et d’hépatites dans nos territoire, améliorer la vie des patient.e.s concerné.e.s, et combattre les autres IST.
Joyeuses fêtes à tou.te.s,
Olivier
Rapport épidémiologique 2019 : Réduction de 32% des nouvelles prises en charge VIH sur l’arc alpin
En bref:
- Réduction de 32% des personnes nouvellement dépistées et prises en charge par rapport à 2018 : Réduction franche en Haute-Savoie, modérée en Savoie et stabilité en Isère;
- Cascade : Sur 2989 personnes qui acceptent que leurs données épidémiologiques soient suivies, 97% sont traitées et 93% des personnes traitées sont indétectables – soit une augmentation de 4 points de l’indétectabilité en deux ans;
- Pour les personnes nouvellement dépistées et prises en charge :
- 14% ont été dépistées en primoinfection;
- 40% à un stade avancé;
- âge médian approximatif : 36 ans
- 71% se déclarent comme homme
- quand le mode de contamination est connu, il est à 91% sexuel
- 79% des personnes nouvellement dépistées ont été vues dans les 15 premiers jours suivant l’annonce – 71% des PVVIH sont mises sont traitement dans les 15 premiers jours suivant la première consultation
- 30% ont été dépistées par les médecins généralistes de l’arc alpin
- Pour la file active :
- La moitié des PVVIH de l’arc alpin vit en Haute-Savoie
- 67% sont des hommes
- 34% sont nées à l’étranger
- Age médian approximatif : 51 ans ; âge médian pour les personnes trans vivant avec le VIH : 40 ans
- 36% sont exposées au virus depuis plus de 20 ans
- 95% de la file active des co-infections VIH-VHC sont guéries. pour les 5% restant, 10 personnes sur 18 sont en cours ou en attente de traitement
Alpes sans sida Infolettre novembre 2020 focus 1er décembre
Editorial, Sylvie Vanderschilt, Vice-Présidente et coordinatrice à Sida Info Service
Quelle époque épique ! (*)
Le 1er décembre sera particulier cette année, inédit et mémorable.
La journée mondiale de lutte contre le sida, chaque 1er décembre, est l’occasion de célébrer les avancées, de communiquer sur les discriminations, de promouvoir les moyens de prévention et de réduction des risques, d’inciter au dépistage…, de « faire du bruit » pour visibiliser une pandémie installée depuis plus de 30 ans.
Mais voilà, cette année, la covid s’est invitée, a pris place, et depuis elle sème le trouble, elle dérange…
Et comme le dit justement Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA : « Elle menace les progrès accomplis au cours des 20 dernières années dans le domaine de la santé et du développement, y compris pour ce qui est des avancées de la lutte contre le VIH. Elle accentue les inégalités existantes comme l’ont fait les autres épidémies avant elle. Inégalités entre les sexes, raciales, sociales et économiques : notre monde s’enfonce dans les inégalités. »
Quelle est notre réaction collective face à l’inédit de cette situation ?
Trouvons-nous la sérénité pour apporter des réponses justes, loin de ce qui peut être partisan, sans que nos émotions réactionnelles ne soient le seul moteur ?
Pouvons-nous éluder l’affectivité et la susceptibilité passées aux commandes pour faire preuve de sagesse et d’intelligence ?
Sommes-nous en capacité d’alimenter l’unité, plutôt que la dualité ?
Dans quel monde souhaitons-nous vivre ?
Les réponses à ces questions déterminent notre « à venir », nos responsabilité individuelle et collective sont engagées.
C’est certain : Quelle époque épique !!!!!
(*) emprunté à Yolaine de La Bigne – Journaliste connue pour sa chronique sur France Info
Editions précédentes
VIH, IST : Données épidémiologiques 2018 locales, nationales et internationales
Sur l’arc alpin
- COREVIH_épidémio_VIH_2018
- Nouvelles personnes dépistées et prises en charge en 2018 : Légère augmentation depuis 2 ans (117) mais baisse de l’incidence de 25% en 5 ans (2013-2018)
- Cascade de prise en charge : La cascade de prise en charge montre comme au niveau national un défaut de dépistage, car 86% des PVVIH sont dépistées et ce chiffre reste stable par rapport à 2017. La suite de la cascade répond aux objectifs avec 98% de PVVIH dépistées traitées et 92% de personnes traitées indétectables.
Sur la région Auvergne Rhône Alpes
- Bulletin de santé publique VIH-IST en Auvergne-Rhône-Alpes. Novembre 2019
- VIH/Sida – Stabilisation du nombre de découvertes de séropositivité au VIH mais hétérogénéité au sein de la région, avec une baisse de l’incidence de 25% en 5 ans (2013-2018) sur l’arc alpin (stable sur Lyon Vallée du Rhône et en augmentation en Auvergne Loire)
- Augmentation des dépistages VIH depuis 2015.
- Infections à gonocoque et syphilis récente (ResIST)
- Poursuite de l’augmentation des infections à gonocoque (649 cas déclarés en 2018) principalement chez les HSH.
- Baisse des cas de syphilis récente (191 cas en 2018), mais part des HSH en augmentation.
En France
- Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 26 novembre 2019, n°31-32 Situation épidémiologique et dépistage du VIH et des autres IST
- 5,8 millions de sérologies VIH ont été réalisées par les laboratoires de biologie médicale, nombre qui augmente progressivement depuis 2013
- Environ 6 200 personnes ont découvert leur séropositivité VIH, soit une diminution par rapport à 2017 (-7%), après plusieurs années de stabilité
- Une diminution du nombre de découvertes de séropositivité est observée depuis plusieurs années chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) nés en France et chez les hommes hétérosexuels qu’ils soient nés en France ou à l’étranger
- Une diminution est également observée chez les femmes hétérosexuelles nées en France
- Aucune diminution n’est observée chez les HSH nés à l’étranger et chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger
- Plus d’un quart des personnes (environ 1 700) ont découvert leur séropositivité VIH à un stade avancé de l’infection
- La progression des diagnostics d’infections à gonocoque (chez les HSH et les hétérosexuels) et à Chlamydia trachomatis se poursuit, dans un contexte où le dépistage de ces deux IST augmente également.
En Europe
- HIV Surveillance in Europe 2018
- La moitié des femmes PVVIH sont diagnostiquées tardivement
- 50% des nouveaux diagnostics sont tardifs
- 14% des personnes infectées par le VIH ne savent pas qu’elles le sont
Dans le monde
- ONUSIDA rapport 2019
- Réduction des infections chez les jeunes femmes (15-24) de 25% entre 2010 et 2018. Mais 6000 jeunes femmes sont infectées toutes les semaines.
- Les progrès continuent mais à un rythme de plus en plus petit. Nous sommes clairement en dessous des objectifs fixés.
- Les progrès les plus forts et rapides se font en Afrique de l’Est et du Sud, mais masquent une réalité très différente dans certains pays. 19 pays seulement sont en route pour en finir avec l’épidémie.