Alpes sans sida Infolettre Septembre 2022

Editorial, Olivier Epaulard, Président du Corevih Arc Alpin, infectiologue CHU Grenoble Alpes

Cher.e.s tou.te.s,

Voici septembre, mois de reprise après un temps de repos, de ressourcement, de réflexion, ou de « lâcher prise »… Beaucoup auront cependant été « sur le pont » cet été, du fait de l’épidémie d’infection par le virus Monkeypox : La variole du singe, connue depuis une cinquantaine d’années, et qui circulait dans certains pays d’Afrique de façon parfois intense (plusieurs milliers de cas chaque année) est devenue, en Europe et en Amérique du Nord, une infection sexuellement transmissible, touchant de façon presque exclusive les HSH. Dans un premier temps, l’urgence a été au diagnostic, afin de permettre aux personnes atteintes de s’isoler ; certaines ont dû être hospitalisées, du fait d’importantes douleurs liées aux vésicules cutanées et muqueuses ; la vaccination contre la variole humaine offrant une protection contre la variole du singe, et un vaccin de 3ème génération étant disponible depuis une dizaine d’années, c’est une campagne vaccinale qui s’est ensuite mise en place.

Les marqueurs épidémiologiques font maintenant état d’une diminution des cas semaine après semaine, en France*, en Europe**, aux USA***.

 

Il était presque impossible de ne pas vouloir faire de parallèle avec la pandémie du VIH : circulation virale liée à l’orientation sexuelle (voire au travail du sexe) ; communication des autorités perçue comme insuffisante et inadaptée ; sentiment que la réponse en santé publique (diagnostics, vaccins) était sous-dimensionnée, et perception par certain.e.s que cela reflétait une moindre préoccupation de l’Etat pour les populations à risque ; contexte favorisant, hélas, l’expression d’une homophobie par certains acteurs.trices politiques …

Beaucoup de choses séparent cependant ces 2 maladies : le caractère exceptionnellement grave de la forme prise actuellement par l’infection par le virus Monkeypox ; son caractère systématiquement aigu, résolutif en quelques semaines ; son caractère immunisant (personne, probablement, ne fera 2 infections à virus Monkeypox) ; la présence d’un vaccin …

 

Surtout, même si elle a été parfois maladroite, la mobilisation des acteurs.trices de santé, avec en parallèle celles des associations, ont permis une diffusion des informations, la mise en place du diagnostic dans la plupart des départements en un temps record, la commande rapide auprès du seul laboratoire au monde fabricant le vaccin de stocks supplémentaires, et la mise à disposition (même si elle aurait pu être décidé 2 semaines plus tôt, en juin) des doses de vaccins progressivement disponible pour une vaccination préventive. La communication trop timide auprès du grand public (et pas seulement dans les réseaux de communications des publics à risque), et celle par exemple autour du report transitoire de la 2ème dose, font partie peut-être des « couacs » de cette campagne.

Il n’en reste pas moins qu’une réponse ciblée s’est mise en place ; et pour le coup, elle doit tout à l’expérience acquise dans la lutte contre le VIH. Concertation avec les populations à risque ; communication sans stigmatisation ; discours ne cherchant pas à culpabiliser les publics exposés, mais à mettre à leur disposition les tests et (une fois qu’ils étaient disponibles) les vaccins ; et malgré des sorties lamentables de tel ou telle député ou ministre, une absence de dérapage du discours public.

 

Cette épidémie a ainsi illustré à quel point la lutte contre le VIH a changé la façon dont la médecine voyait les personnes, et la façon dont la santé publique voyait les populations – et que malgré les inerties qui se sont encore manifestées cet été, il n’était plus possible d’agir pour les personnes concernées sans les associer à toutes les réflexions et décisions. Elle a aussi illustré tout ce qu’il reste à franchir pour que les autorités de santé déclinent ce « rien pour nous sans nous » comme un réflexe : en infectiologie, mais aussi en cancérologie, en diabétologie, en transplantation, etc.

Ce rôle de « défricheurs » en démocratie sanitaire, les acteurs.trices de la lutte contre le VIH et les hépatites doivent le poursuivre : parce que chaque avancée et invention dans ce domaine pourra profiter ensuite à tou.te.s.

 

Bonne rentrée !

 

Olivier Epaulard

 

https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2022/cas-de-variole-du-singe-point-de-situation-au-20-septembre-2022

** https://www.ecdc.europa.eu/en/news-events/monkeypox-situation-update

*** https://www.cdc.gov/poxvirus/monkeypox/response/2022/mpx-trends.html

 

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